Revoir “Drôle de Drame”, retour sur la séance du 11 décembre 2019.

Il y a grand danger à revoir un film de grande réputation quelques décennies après l’avoir apprécié la première fois: en l’occurrence Drôle de Drame de Marcel Carné ( 1937 ) qu’on avait adulé lors de sa reprise dans les années 50.

Que reste-t-il aujourd’hui de ce “chef d’œuvre” qui avait marqué la carrière débutante de ce réalisateur et le goût des cinéphiles ? Ces derniers ont vieilli. En serait-il de même du film ?

Dans la salle des Quatre Cents Coups, nous continuions à admirer le talent du scénariste-dialoguiste, Jacques Prévert, avec sa délectation de l’humour absurde réputé anglais et ses bons mots réputés proverbiaux: ” bizarre, j’ai dit  bizarre?” , ” qui dit contre-poison dit poison”…. Il y avait aussi la grande qualité du travail d’un décorateur, Alexandre Trauner, que les studios du monde entier allaient bientôt s’arracher. Il recréait un Londres plaisamment caricatural: le salon néo-victorien, l’East End dangereux… La magnifique copie qui nous était offerte l’autre soir servait admirablement son œuvre. Il y avait encore la prestation de deux monstres du cinéma : Jouvet et Simon, qui, paraît-il, se détestaient sur le tournage mais incarnaient superbement deux personnages insolites et burlesques. Leurs conversations sont des morceaux d’anthologie.

Mais que dire du reste? Bouffonneries longuettes et gags à répétition pas toujours très drôles (le chien perdu, le lait…), Françoise Rosay mal à l’aise dans son personnage comique, rôles secondaires qui ni ne font rire, ni n’émeuvent (Jean-Pierre Aumont, Nadine Vogel, la bonne), pépiements féminins certes typiques du cinéma des années trente.
Sommes-nous aujourd’hui trop habitués au burlesque cinématographique pour nous émerveiller encore devant un film qui, pour tout dire, déçoit ? Où est le metteur en scène ? Dissimulé derrière de grands acteurs et des collaborateurs talentueux auxquels il faudrait ajouter Shuftan à la photographie et Maurice Jaubert et sa musique.

Mais n’est-ce pas le cas de beaucoup de films de Marcel Carné ? Le Jour se lève étant la brillante exception. Que serait Les Visiteurs du Soir sans Alain Cuny et Arletty ? Quai des Brumes sans Jean Gabin et Michèle Morgan ? Ne parlons-pas de ses derniers films qui justement ne bénéficiaient pas de grands acteurs auxquels se raccrocher : des catastrophes !

Lecteurs pas d’accord ?… à vos plumes !

Guy Reynaud