Los Delicuentes

Film de RODRIGO MORENO (2024 / 3h10) (Argentine, Chili, Brésil, Luxembourg)
Avec : Daniel Elias, Esteban Bigliardi, Margarita Molfino

Synopsis:

Román et Morán, deux modestes employés de banque de Buenos Aires, sont piégés par la routine.
Morán met en œuvre un projet fou : voler au coffre une somme équivalente à leurs vies de salaires.
Désormais délinquants, leurs destins sont liés. Au gré de leur cavale et des rencontres, chacun à sa manière emprunte une voie nouvelle vers la liberté.

 

L’avis de Rodolphe (groupe Programmation de l’Autre Cinéma)

Sans discussion une belle surprise.

Un film en deux parties qui nous met délibérément sur une fausse piste.

La première partie semble être un film de braquage astucieux autour du petit monde des employés de cette banque aux tons maronnasses et assez moches. Tout semble d’une autre époque mais l’on comprend bien vite que c’est pour fustiger notre monde d’aujourd’hui. La musique, les split screen, le filmage sont autant de références au cinéma des années 70. On prend du plaisir à attendre et savoir si le coup fumant des deux protagonistes sera couronné de succès…

Puis la deuxième partie prend subitement une autre direction et l’on passe à un film existentiel. Nos banquiers sont des braqueurs moraux et surtout fatigués de notre époque. Ils ont l’argent mais le bonheur ?..

Ils vont incidemment l’approcher ce bonheur tant cherché, en rencontrant chacun de son côté le même groupe de jeunes gens qui vivent au jour le jour et jouissent des plaisirs simples de la vie. Ils trouveront l’amour aussi qui leur faisait cruellement défaut. D’ailleurs ces deux banquiers complices à distance font tout en miroir l’un de l’autre. Jusqu’à leurs prénoms : Roma et Moran. Les deux jeunes femmes qu’ils rencontrent ont aussi des prénoms en anagrammes (Norma et Morna). Jusqu’à Ramon, le petit ami d’une des deux. Une autre idée de cinéma étant de faire interpréter le directeur de la banque et le caïd de la prison par le même acteur. Jusqu’à une conclusion magnifique ou les deux larrons vivent inconsciemment une mutation et découvrent enfin la Liberté.

“Los Delincuentes” : la liberté à tout prix dans un film qui fait du bien, signé Rodrigo Moreno

Le cinéaste argentin interroge le déterminisme social et les prisons mentales. Et offre une recette pour s’en libérer. “Los Delincuentes”, un film argentin joyeux et enthousiaste.
Article rédigé par Mohamed Berkani (France Télévisions – Rédaction Culture)
Scène du film "Los Delincuentes" du cinéaste argentin Rodrigo Moreno. (ARIZONA DISTRIBUTION / JHR FILMS)

“Le film dure trois heures, moins qu’une certaine finale de football”, s’amuse le réalisateur Rodrigo Moreno avant de lancer son film Los Delincuentes, un feel good movie, un film qui fait du bien, légèrement amoral.

Le message est passé, même pour les non-footeux, souvenir d’une finale France-Argentine de 2022. Le réalisateur savoure son plaisir. Le film lui a pris cinq ans. “Alors, trois heures…”. Oui, trois heures ce n’est rien, le temps passe vite. Los Delincuentes, soit les criminels en français, est en salle le 27 mars.

Los Delincuentes est un conte moderne sur la liberté. Quel est le prix à payer ? Trois ans et demi, selon Román qui a eu l’idée de voler sa propre banque, à Buenos Aires. C’était ça ou travailler pendant 25 ans chez le même employeur, occuper le même poste, répéter les mêmes gestes, jusqu’au bout de l’ennui. Or Román est usé par la monotonie. Román a des rêves qui n’ont aucun lien avec sa profession.

Pour mener à bien son plan, Román a besoin de Morán, un collègue foncièrement honnête. Entre séduction et intimidation, Morán cède. Désormais, ils sont liés. Que faire de l’argent ? Morán, interprété par un Esteban Bigliardi inspiré, développe une répulsion physique : il ne peut pas laisser les liasses de billets chez lui. Il en devient malade.

Le prix de la liberté

Un remake du Crime et châtiment ? Rodrigo Moreno préfère ouvrir d’autres horizons, explorer d’autres contrées. Ses personnages découvrent, presque malgré eux, la liberté. Ils cheminent, chacun de son côté, vers des rivages inconnus. Tous deux, maladroits, découvrent l’amour, le vrai. Ils avancent en terre inconnue, en laissant derrière eux une vie réglée comme un métronome.

Il est des prisons dépourvues de murs et de barreaux. Tout comme il y a des geôles qui ressemblent à des salles d’attente, en route pour une vie meilleure. Le réalisateur argentin questionne le déterminisme social et les prisons mentales. Et si le bonheur se trouvait en montagne, loin de la ville ? Et si l’injonction à posséder, humains et biens, n’était qu’illusion ? Qui sont réellement les délinquants ?

Rodrigo Moreno démontre, si besoin est, que le cinéma sud-américain est en plein renouveau, plus vivant que jamais. Los Delincuentes, un film résolument optimiste et enjoué.

Scène du film "Los Delincuentes" du cinéaste argentin Rodrigo Moreno. (Arizona Distribution / JHR Films)

 

 

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