La lettre inachevée

La Lettre inachevée (ou La Lettre non envoyée– titre original : Неотправленное письмо, Neotpravlennoe pismo) est un film soviétique en noir et blanc réalisé par Mikhaïl Kalatozov, sorti en 1960

Synopsis : Le film est l’adaptation d’une nouvelle de Valeri Ossipov, qui s’inscrivait dans le registre dit de la “prose documentaire”, genre en vogue à cette époque, et qui visait à mettre en scène des “aventuriers de la science” se consacrant à l’extraction des sous-sols et la découverte de ressources rares. La lettre inachevée chante donc les actions glorieuses d’une équipe de quatre géologues venus prospecter le plateau sibérien à la recherche des diamants réclamés par l’industrie soviétique. Le petit groupe sonde sans relâche terres et rivières. L’automne arrive et les vivres commencent à manquer, il leur faut rentrer. Mais au moment du retour, les éléments se déchaînent et ils doivent affronter les pires difficultés…

De Kalatozov, nous avions eu l’occasion de (re)découvrir Quand passent les cigognes (1957) et Soy Cuba (1964), deux films programmés dans le cadre de Ciné-Collection.

Nous retrouvons avec un grand plaisir ce cinéma lyrique, outrancier parfois dans sa forme (une musique omniprésente et parfois bien encombrante!) qui met sur le même plan l’homme et la nature. Le film s’ouvre sur des plans magnifiques. On se retrouve comme les quatre héros dans une nature sauvage et imprévisible. Il y a des effets de style que l’on retrouvera dans Soy Cuba (images superposées, longs travellings qui rassemblent deux, trois ou quatre images différentes, passant du plan d’ensemble au gros plan).

La Lettre inachevée se concentre sur une ligne narrative bien définie – la recherche des diamants puis du fleuve – restant à la hauteur du groupe de scientifiques. L’action est cependant redoublée par la perpétuelle suggestion de l’immensité et de la dangerosité de la Sibérie. Les personnages semblent perdus dans cette immensité mais ne faiblissent jamais, malgré les catastrophes successives (inondations, feux de forêt, pertes de repères…) restant jusqu’au bout fidèles à leur mission (trouver des filons de diamants puis ramener coûte que coûte la carte localisant ces filons).

On est bien dans un film de propagande glorifiant les “héros du socialisme” mais les personnages restent avant tous des hommes (et une femme) avec leurs faiblesses et leur courage. La mission reste primordiale mais des destins personnels se jouent durant tout le film (comme cette lettre que Konstantin écrit à sa femme restée à Moscou et qui reste “lettre morte”, ou cette rivalité amoureuse entre le guide, homme de terrain, et le jeune géologue idéaliste). Et puis, l’homme soviétique demeure bien petit et bien impuissant face aux caprices de la nature.

Toujours est-il que l’on vibre durant une heure et demie, subjugué par cette profusion d’images somptueuses et par une action et un “suspense” qui ne faiblissent pas.

Le résultat est un film visuellement fiévreux, d’un lyrisme total, magnifiant la nature, dans sa toute puissance, et célébrant le courage des pionniers.

Olivier Toureau

 

Séance Ciné-Collection le jeudi 26 janvier à 18h15