Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand, avec Raphaël Quenard, Anthony Bajon, Galatea Bellugi… 1h33.
«Chien de la casse» fout les poils
Critique par Lelo Jimmy Batista (Libération du 18 avril 2023)
Une amitié qui vacille sur fond de désœuvrement ordinaire et de frictions amoureuses… Dans son premier long métrage, Jean-Baptiste Durand renoue avec l’étude de mœurs perçante mais au grand cœur.
Un chien joue, dort, mange, aboie. Mais l’essentiel de sa vie consiste à attendre – le retour ou l’attention de celle ou celui auquel il se sent attaché. Dans le premier long métrage de Jean-Baptiste Durand, tout le monde tient un peu du chien, alors tout le monde attend. Mirales, grande gueule, hâbleur, a mis sa vie sur pause en attendant qu’elle veuille bien démarrer. Il a de grands projets qui ne peuvent exister que dans de grandes villes, et pour le moment, il traîne dans les ruelles du village du Puy-de-Dôme où il a grandi, vend un peu de shit que lui fournissent des gitans, cuisine pour ses voisins et sa mère dépressive, jamais remise de la mort de son mari.
A ses côtés, il y a un chien, un vrai, Malabar, bel American Staffordshire aux manières placides. Puis un autre, plus figuré – Dog, son pote de toujours, taiseux, résigné, qui a fini par se convaincre de rejoindre l’armée. Et qui, en attendant, tue le temps avec sa console de jeux, et sur la place de son bled où il essuie les vannes cruelles de Mirales qui parfois dérapent, jusqu’à l’humiliation. Jusqu’au jour où Dog prend en stop Elsa, avec qui il entame une relation, faisant imploser son amitié avec Mirales et enclenchant un engrenage aux issues fatales.
Plus dense, plus dur
Chien de la casse est un film sec, limpide, sans un gramme de trop. Pas la moindre scène qui ne serve le récit, pas le moindre dialogue superflu, tout se joue d’un trait, resserré. Et pourtant, le récit donne l’impression de toujours amplement respirer, prendre son temps, avancer sans précipitation. Un lointain cousin, sombre et rural, de Grand Paris. Plus dense, plus dur, parfois à la limite du soutenable – la scène du restaurant, incroyable de cruauté, qui condense toutes les frictions et chaque rapport de force entre les personnages. Mais tout aussi drôle, porté par l’impeccable duo formé par Anthony Bajon et surtout, Raphaël Quenard, donc c’est le vrai premier rôle et qui, comme à son habitude explose, parfait de tempo, à la fois tragique et hilarant, toujours complètement «autre».