QUELLE FOLIE de Diego Governatori.

J’ai plongé dans le film de Diego Governatori comme Aurélien dans le lâcher de taureaux à la féria de San Fermin de Pampelune : avec stupéfaction. D’autant plus que j’ignorais tout du protagoniste.

A l’écran alternent Aurélien, cadré seul, regard caméra, qui parle de sa difficulté à exister parmi les autres, à comprendre le monde symbolique qu’ils partagent naturellement ; et des visions en plan large ou gros plans de participants à la féria, vêtus de blanc et foulard rouge, dans le mouvement, la danse, l’excitation, les cris. Pampelune en fête met en scène le malaise du protagoniste contraint à se réfugier dans les ruelles, tandis que des spectateurs l’abordent : ce doit être une personnalité, puisqu’il est filmé ! Diego Governatori instaure un montage alterné entre deux mondes opposés – le montage qui fut la spécialité de sa formation à la FEMIS.

Or ce peuple dont la folie s’exacerbe à l’arrivée des taureaux représente aussi l’agitation intérieure d’un homme diagnostiqué autiste, qui s’efforce de comprendre son mal-être. Comme spectatrice, je me suis interrogée : Aurélien est-il un acteur, ou figure-t-il sa propre vie ?  Quelle folie  est un
documentaire et les interviews nous apprennent que l’amitié entre Diego et Aurélien (qui est aussi acteur) a suscité ce projet ; ne parvenant à écrire son mal, Aurélien a été longuement enregistré par Diego et ses paroles, d’abord rares puis de plus en plus véhémentes, ont constitué la part intime du film. On pourra trouver un peu longs ces face à face avec un homme qui décrit au plus près son tourment. Il demeure que l’entreprise est audacieuse, profondément humaine et associe avec bonheur des moments austères au déchaînement de la féria qui culmine avec l’entrée des taureaux – la sauvagerie même – dans les arènes de Pampelune. Le film se clôt sur une autre métaphore : le héros tourne en rond dans l’ombre d’une éolienne aux pales mues par le vent.

Evelyne Rogniat

Quelle folie est programmé du 29 janvier au 3 février au cinéma Les 400 Coups de Villefranche.