L’événement

Film réalisé par Audrey Diwan, 2021, France, 1h39. Lion d’or à la 78ᵉ édition de la Mostra de Venise, avec Anamaria Vartolomei , Kacey Mottet-Klein , Luàna Bajrami, Pio Marmaï, Sandrine Bonnaire…

France, 1963. Anne, étudiante en lettres studieuse et brillante, découvre qu’elle est enceinte. Ne voulant pas garder cet enfant qui menace l’avenir qu’elle s’est fixé, elle décide d’avorter dans une époque où la pratique de l’avortement est interdite. Elle s’engage seule dans ce parcours alors que les examens approchent et que son ventre s’arrondit…

Le film est une adaptation fidèle du roman d’Annie Ernaux, publié en 2000, dont elle-même dit qu’il est « rigoureusement autobiographique ». La réalisatrice, Audrey Diwan, a choisi de garder, pour son film, le même titre que le livre, premier gage de fidélité. Ce n’est pas le seul, elle met aussi sa mise en scène au service de cette fidélité et restitue, en images, la sobriété et la justesse des mots utilisés par Annie Ernaux quand elle parle de sa grossesse non désirée et de son parcours d’avortement clandestin que la loi interdit dans cette France des années 60.

Comme dans le livre, ce n’est pas tant la vie d’Annie Ernaux, celle du personnage qu’il importe de montrer c’est le caractère universel de la vie, de cet événement si singulier qui va changer l’expérience de tant de femmes.

Le secret, le tabou que représente l’avortement dont on ne dit jamais le nom dans le film, et l’impossibilité d’en parler sont également parfaitement restitués.

Mais il n’y a pas que la fidélité de l’adaptation au livre qui nous invite à découvrir L’événement, il y a les choix artistiques d’Audrey Diwan qui nous entraînent dans une expérience de cinéma. Le cadrage 1.37 et son format presque carré qui évoque les années 60 mais resserre également le cadre sur le personnage principal.

L’usage de la caméra souvent derrière l’épaule de la jeune fille nous conduit à vivre, avec elle, presqu’à sa place, la coupure de ses relations aux autres mais aussi la découverte intime de son corps.

Le travail du son, le séquençage du temps renforcent le suspense et nous font partager chacun des moments qui vont de l’annonce de la grossesse jusqu’à l’épisode ultime et inévitable de l’avortement. La récurrence de silences habités en dit long sur cette France qui ne veut surtout pas parler de l’indicible.

Il y a finalement assez peu de références explicites à l’époque, à la loi, à l’Histoire. Le but d’Audrey Diwan, semble davantage de nous faire expérimenter physiquement ce parcours d’avortement clandestin, on est arrimé au corps du personnage jusqu’à ce moment fatal.

Le film doit être vu non seulement parce qu’il nous donne à voir le passé mais parce qu’il évoque des parcours d’avortements clandestins malheureusement toujours très actuels aujourd’hui et très menaçants pour la santé des femmes, en Europe et ailleurs.

C’est aussi un beau portrait de femme déterminée, libre, debout, un beau portrait de combattante contre son époque, magnifiquement interprété par Anamaria Vartolomei.

Michèle Baud

Voir la bande annonce.