La voix d’Aïda

Réalisateur : Jasmila Zbanic Acteurs : Boris Ler, Jasna Đuričić, Izudin Bajrovic, Dino Bajrovic

Titre original : Quo vadis, Aida ? : Condor Distribution Genre : Drame historique

Nationalité : Français, Allemand, Polonais, Norvégien, Autrichien, Turc, Néerlandais, Roumain, Bosniaque

Date de sortie : 22 septembre 2021 Durée : 1h44mn

En 1945, le monde découvrait avec stupeur les charniers des juifs, des homosexuels, des handicapés et des tziganes dans les camps de la mort. Les voix s’élevaient pour dire que plus jamais l’Europe ne s’abaisserait à une telle brutalité. Mais les années passent, avec des problèmes de frontière et d’identité culturelle et cultuelle que les politiques repoussent depuis la Première Guerre mondiale.
Et en 1995 a lieu, à quelques centaines de kilomètres de Paris, un nouveau génocide, commis cette fois sur les musulmans bosniaques par les dirigeants serbes. L’Histoire se répète en dépit des cris d’horreur que certaines et certains poussent en direction des décideurs du monde.
C’est le cas d’Aïda. Elle est interprète dans un camp de l’ONU où se regroupent les populations affamées de Srebrenica, après que l’armée serbe a bombardé la ville et fait fuir les habitants. Elle assiste au spectacle d’une humanité humiliée, qui dort et défèque à même le béton du hangar où les personnes s’entassent, quand elles ont eu la chance d’y accéder. Elle est aussi une mère de famille qui voudrait protéger ses enfants d’un massacre qui ne va pas tarder à survenir.
Par choix, pour éviter que le film ne verse dans le genre “horreur” ou “guerre” particulièrement sanglant, tout est suggéré, rien n’est montré, ou très peu car le but n’est pas de choquer, de divertir l’amateur de films extrêmes, mais d’expliquer, de sensibiliser, de rendre hommage. La tension est extrême d’un bout à l’autre. Très peu de répit est accordé au spectateur.
Jusqu’à une conclusion édifiante et bouleversante. Jasmila Žbanić ne cherche pas le larmoyant, elle ne veut pas s’apitoyer sur les faits. Tout est fait avec subtilité.
Cependant les moyens sont là avec un très grand nombre de figurants, des costumes, des décors et des accessoires somptueux, car un tel film ne doit surtout pas rater son ambition. Jasmila Žbanić réalise une œuvre pour marquer les consciences et les souvenirs. La metteuse en scène ne protège pas son spectateur. La matière narrative est brute, violente, mais tellement nécessaire.
Le long métrage de Jasmila Žbanić (à qui l’on devait déjà Sarajevo, mon amour en 2006, Ours d’Or à Berlin, excusez du peu) est tout à la fois sidérant et bouleversant. Il redonne espoir dans la puissance du cinéma, après tous ces longs mois de fermeture des salles et d’hégémonie des plateformes qui proposent « des contenus » à leurs « consommateurs ».
On ne peut terminer cette critique sans évoquer Jasna Djuricic, l’actrice qui incarne Aïda et qui avait déjà oué devant la caméra de Jasmila Žbanić dans Les Femmes de Visegrad en 2013, où elle jouait un rôle secondaire. Du premier au dernier plan, Jasna est magnétique.

Michel Busca

Rappel historique

À partir de juin 1992, les forces serbes de Bosnie ont assiégé Srebrenica, tandis que les forces des Musulmans de Bosnie, qui opéraient depuis l’enclave, attaquaient les villages serbes avoisinants. Le Tribunal a conclu qu’en 1992 et 1993, de nombreux Serbes avaient été capturés et détenus par les forces des Musulmans de Bosnie. Ils ont subi des traitements inhumains et ont parfois été battus à mort ou exécutés.
En 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU a déclaré Srebrenica « zone de sécurité », ce qui signifie qu’elle était sous la protection de la FORPRONU en tant que zone démilitarisée. Dans les jours qui ont suivi la prise de Srebrenica par les forces serbes de Bosnie, en juillet 1995, des membres de l’armée des Serbes de Bosnie et de la police ont conçu un plan visant à tuer des milliers d’hommes et de garçons de la ville et à en expulser femmes et enfants. Après le massacre perpétré en juillet 1995, des opérations de dissimulation ont été organisées, dont le transfert des cadavres dans des fosses secondaires. Le Tribunal a jugé que les exécutions de masse dont avaient été victimes les hommes et garçons musulmans de Srebrenica constituaient un génocide.
Le Tribunal a mis 20 personnes en accusation pour les faits qui se sont déroulés à Srebrenica en juillet 1995. Les procédures à l’encontre de 15 d’entre elles sont closes, un accusé est décédé avant la fin de son procès et les procédures sont en cours à l’encontre des quatre autres accusés. Toutes ces personnes, sauf une, ont été déclarées coupables de la totalité ou d’une partie des crimes pour lesquels elles avaient été mises en accusation. Les chefs d’accusation étaient notamment le génocide, l’aide et l’encouragement au génocide, le meurtre, l’extermination et les persécutions. Trois des accusés ont plaidé coupable de certains de ces crimes et leurs témoignages contre les coauteurs ont permis de mieux comprendre certains faits.
Les courts résumés ci-dessous portent sur des affaires concernant les faits survenus à Srebrenica en 1995 et ayant fait l’objet d’une décision définitive. Le résumé de l’affaire mettant en cause l’ancien président serbe, Slobodan Milošević, n’y est pas présenté, puisqu’elle a été close après son décès. Les affaires en cours qui comprennent des chefs d’accusation en lien avec Srebrenica, soit celles mettant en cause Radovan Karadžić, Ratko Mladić ainsi que Jovica Stanišić et Franko Simatović, n’y sont également pas exposées.

Synthèse d’après le rapport du TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex Yougoslavie):  Michel Busca