Le sommet des dieux

Film d’animation (France – 2021) de Patrick Imbert (1h30) d’après les mangas de Jirō Taniguchi

Synopsis: A Katmandou, le reporter japonais Fukamachi croit reconnaître Habu Jôji, cet alpiniste que l’on pensait disparu depuis des années. Il semble tenir entre ses mains un appareil photo qui pourrait changer l’histoire de l’alpinisme. Et si George Mallory et Andrew Irvine étaient les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest, le 8 juin 1924 ? Seul le petit Kodak Vest Pocket avec lequel ils devaient se photographier sur le toit du monde pourrait livrer la vérité. 70 ans plus tard, pour tenter de résoudre ce mystère, Fukamachi se lance sur les traces de Habu. Il découvre un monde de passionnés assoiffés de conquêtes impossibles et décide de l’accompagner jusqu’au voyage ultime vers le sommet des dieux.

Si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas les mangas du maître Taniguchi, si vous n’aimez pas les films d’aventures, si….. courez voir cette petite merveille qui n’est ni un film sur la montagne, ni une adaptation du manga, ni un film d’aventures mais bien plus que ça.

C’est l’histoire d’une quête ou plutôt de plusieurs quêtes: recherche d’une vérité (qu’est-il arrivé à l’alpiniste Mallory en 1924?), recherche du graal absolu (ici, conquérir le toit du Monde), recherche d’un idéal de vie….

Ce film d’animation de Patrick Imbert -connu pour ses adaptations fidèles mais innovantes: Ernest et Célestine, Le grand méchant renard –s’éloigne intelligemment du trait de l’auteur (et de la densité du récit) pour donner dans l’épure sobre et souvent sombre. Une sorte de version ligne claire de la BD d’origine, bien que l’on soit loin de Tintin au Tibet! Et en fin de compte, c’est très impressionnant .

En effet, un film avec acteurs n’aurait jamais pu reconstituer de telles scènes de combat avec les éléments et ne pourrait pas nous offrir de tels paysages. Quant aux deux personnages principaux, ils ont une épaisseur de caractère rare dans le cinéma d’animation.

L’histoire reste fidèle au manga d’origine mais on est dans un film d’animation “à la française” (dans le bon sens du terme) avec un déluge de détails et de sophistication qui n’est pas sans nous rappeler aussi la qualité nippone des studios Ghibli (les ciels d’Imbert sont proches de ceux du merveilleux Tombeau des lucioles de Takahata).

Cette superbe réalisation prouve encore une fois que le film d’animation “pour adultes” peut produire des pépites émotionnellement aussi fortes voire plus que des films avec acteurs (ainsi Valse avec Bachir, Persépolis ou l’île aux chiens).

Olivier Toureau

Quelques anecdotes (tirées du site ALLOCINE)

Un sommet du manga

À l’origine du Sommet des Dieux, il y a le roman de l’écrivain japonais Baku Yumemakura, publié sous forme de feuilleton entre 1994 et 1997. Ce récit d’ascensions qui confronte deux destins inspire le mangaka Jirô Taniguchi qui, avec la complicité de Yumemakura, signe une adaptation fleuve en 5 tomes aux éditions Shueisha entre 2000 et 2003. En France, où ils sont édités par Kana, 380 000 volumes s’écoulent et leur auteur reçoit notamment le prix du meilleur dessin au Festival d’Angoulême en 2005.

Avec l’accord du maître

C’est après avoir lu le manga de Jirô Taniguchi que le producteur et scénariste Jean-Charles Ostorero a eu d’emblée envie d’en faire un film. Il a contacté Corinne Quentin, une française Tokyoïte d’adoption, qui gérait les droits du Sommet des Dieux et qui en a parlé à Taniguchi : « Il s’est montré très heureux de ce projet d’adaptation en film d’animation alors qu’il avait mis toutes ses forces dans le dessin du manga. Un encouragement essentiel pour lancer la production. » Le scénario et des dessins préparatoires ont pu être montrés à Taniguchi peu avant sa mort, en 2019. Ostorero se souvient : « il nous avait fait un retour très favorable. Il était très respectueux des œuvres adaptés, puisque son manga était déjà une adaptation ».

Adaptation

Il a fallu quatre ans de travail sur le scénario pour réussir à condenser les 1500 pages du manga. L’équipe a choisi de délaisser les intrigues secondaires pour se concentrer sur les quêtes des deux personnages principaux. Il a aussi été décidé de conserver l’entremêlement passé-présent. Pour le dessin, l’équipe s’est mise d’accord sur une volonté réaliste en accord avec la méticulosité de Jirô Taniguchi, mais en la poussant encore un peu plus pour la forme des personnages.

Consultants

Charlie Van Der Elst du Club Alpin Français et Vincent Vachette, l’un des “summiters” (ceux qui ont réussi l’ascension) de l’Everest, ont rencontré l’équipe pour donner des conseils et évoquer leurs expériences. L’équipe a aussi fait appel à une amie japonaise, Mizuho Sato-Zanovello, qui devait notamment vérifier que toutes les écritures sur les panneaux étaient correctes.

Le troisième personnage du film : l’Everest

C’est en 1953 que les 8848 m du mont Everest ont été gravis pour la première fois par Edmund Hillary et Tensing Norgay. Depuis, près de 5 800 alpinistes ont réussi l’ascension, mais 300 candidats y ont trouvé la mort, leurs dépouilles jonchant parfois les abords du tracé vers le sommet.

L’énigme George Mallory

Cet alpiniste britannique est resté célèbre pour avoir péri en 1924, à 37 ans, avec son partenaire Andrew Irvine, alors qu’ils étaient proches du sommet de l’Everest (leurs corps ont été retrouvés à 8 390 m d’altitude). Le duo avait un appareil photo qui pourrait prouver si oui on non ils ont pu atteindre le sommet et qui n’a jamais été retrouvé. Un appareil au cœur du roman, du manga et désormais du film d’animation.

Trahir le matériau d’origine

Il n’était pas question pour l’équipe de reproduire l’identité graphique de Jirô Taniguchi à l’identique car il y avait trop de détails impossibles à dupliquer en animation en raison du nombre de dessins à exécuter. « Mais en allégeant le trait, les animateurs ont pu se concentrer sur les visages, les expressions. Le fait de garder une ligne réaliste et de choisir la 2D nous a demandé une grande précision, par exemple sur le positionnement des yeux », explique le réalisateur Patrick Imbert.

S’organiser face au confinement

La création du film se partageait entre Paris, Luxembourg et Valence. Les diverses équipes ont dû s’organiser face au confinement. Le producteur Damien Brunner raconte : « Ils ont tous la solitude et l’esprit de conquête, comme un alpiniste. Pédagogue, Patrick Imbert a eu besoin de mimer en visio les différents types de mouvement, de la pesanteur d’un alpiniste alourdit par son matériel, à un type qui écrase sa cigarette. »

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