Autant prévenir d’entrée le futur spectateur de ce premier film d’un réalisateur prometteur: il n’y a pas grand monde qui attire la sympathie parmi tous les personnage rencontrés durant la projection, à commencer par le héros, magistralement interprété par Olivier Gourmet. On est plongé dans ce que le monde du travail offre de plus nauséeux : ambition, mépris et manque d’empathie pour les autres…et dans un contexte familial également peu reluisant.
Les principales compagnies de fret maritime sont basées à Genève. Très loin des mers et océans où les cargos évoluent, contribuant à la bonne marche de nos sociétés de consommation mondialisées. Frank, le personnage interprété par Gourmet, est arrivé à un poste important d’une de ces compagnies. Il n’est qu’un rouage de cette mécanique bien huilée, dans son bureau climatisé, mais il a son importance et une erreur de sa part représente un coût substantiel pour l’entreprise qui l’emploie. Et justement, il la commet et se retrouve sans travail.
Incapable de remettre en cause ce système qui l’a pourtant méprisé, il ne rencontre que désintérêt de ses « amis » et mépris de ses enfants. Sa femme et ses 5 enfants : il les voit de temps en temps, mais, pour lui, faire en sorte de leur fournir une vie confortable grâce à son salaire est plus important que d’être présent auprès d’eux et de leur donner de l’affection. Une scène terrible montre son fils lui dire « On s’est passé de toi mais nous n’accepterons pas de baisser notre niveau de vie par ta faute ! ».
Le travail, « aliénation » ou accomplissement ? Franck ne peut pas et ne veut pas prendre partie. Il est parti du plus bas de l’échelle sociale et, très lucide, il sait qu’il est « coincé » dans ce fonctionnement. Les scènes avec une psychologue du travail montrent un portrait de lui glaçant et ne ressentant nullement le besoin de se remettre en question.
On pense beaucoup aux Dardenne en visionnant ce film. D’abord de par la présence de Gourmet (il est quasiment de tous les plans), ensuite par une certaine épure (peut-on parler de minimalisme?), par la quasi-absence de musique et par le parti pris de ne pas porter de jugement sur les personnages.
Le film d’Antoine Russbach est le premier volet d’une trilogie. Ceux qui combattent et Ceux qui prient devraient suivre et l’on peut s’attendre là aussi à une vision sans filtre et sans compromis de deux autres piliers de notre société.
En conclusion, même son sujet semble archi rabattu, n’hésitez pas à vous rendre dans votre salle préférée voir ce film ne serait ce que pour avoir confirmation qu’Olivier Gourmet est réellement un GRAND acteur !
Olivier Toureau