In the mood for love

Voir ou revoir « In the mood for love » de Wong Kar-Waï, 1 h 38 mn, France/Hong-Kong, 2000

Plus de 20 ans après sa sortie initiale, le cinéma « les 400 coups » nous invite, prochainement, à découvrir ou re-découvrir « In the mood for love », le 7ème long métrage de Wong Kar Waï, dans une version restaurée.

A sa sortie, en 2000, le film est un véritable phénomène (plus d’un million de spectateurs en France), il reçoit le César du meilleur film étranger et Tony Leung remporte le prix d’interprétation masculine à Cannes .Le film raconte une histoire d’amour contrariée, plutôt simple…

Hong Kong 1962. Monsieur Chow (Tony Leung), journaliste dans un quotidien local, et Madame Chan (Maggie Cheung), secrétaire d’entreprise, emménagent, par hasard, le même jour dans des appartements voisins. Souvent abandonnés par leurs conjoints, M. Chow et Mme Chan se croisent chez leurs logeurs, commencent à échanger et ne vont pas tarder à comprendre que leurs époux respectifs entretiennent une relation adultère. Ensemble, ils vont tenter de percer le secret de cette liaison et partager les blessures qu’elle provoque…

Dans une mise en scène complexe et maîtrisée …

« In the mood for love » nous plonge très rapidement au cœur de l’intimité des deux personnages principaux. Wong Kar Waï nous raconte leur histoire naissante dans une succession de plans magnifiquement agencés, comme une suite de tableaux composés avec maîtrise et mis en scène avec élégance et raffinement.

Avec une grande subtilité, il évoque également les conjoints adultérins sans jamais les montrer. Ils sont là mais, suggérés par une silhouette, une coupe de cheveux, une voix…

Les unités de lieux du film sont volontairement restreintes, presque asphyxiantes, on alterne entre les chambres des logeurs, le coin de rue, l’escalier…

Wong Kar Waï se joue du temps réel et le film, en dépit de la présence fréquente d’horloges, est bousculé par des accélérés, des ralentis, des images arrêtées, des fondus au noir… Il s’intéresse davantage à nous offrir une suite de moments qu’à raconter une histoire de quatre ans, étape par étape.

Le film nous dit beaucoup des sentiments qui animent les deux personnages mais il nous parle aussi du Hong Kong des années 60, cher à Wong Kar Waï qui disait dans un entretien réalisé à Cannes, le 21 mai 2000, par Michel CimentetHubert Niogret pour Positif :

“Je ne raconte pas l’histoire d’une liaison, mais une certaine attitude à un moment de l’histoire de Hong Kong, et comment les gens ressentent cela. Je pensais que l’histoire d’une liaison pouvait être très ennuyeuse, car il y a eu tellement de films sur le même thème… J’ai cherché un angle différent. Il me semblait plus intéressant de voir ce récit à travers le prisme d’une époque passée, et le rapport des personnages à leur histoire au fil des années… Tout dans ce film est exprimé par les corps, la façon dont ils bougent. Il y avait des détails que je voulais montrer…”

Avec des images d’une beauté renversante

« In the Mood for love » mérite vraiment le grand écran et l’obscurité d’une projection en salle pour révéler toute cette beauté :

  • les décors d’un Hong-Kong éclairé par les néons fluorescents, les pluies battantes qui résonnent harmonieusement avec la musique…
  • les couleurs saturées : le vert des tapisseries et des lampes, le rouge des tentures de l’hôtel où se rencontrent Mme Chan et M. Chow comme pour défier le côté terne de la ville.
  • Les images verticales qui étirent les corps mais également les lieux pour mieux rendre compte du frôlement sensuel des corps des personnages
  • Les mouvements de caméra très justes et toujours si près des gestes esquissés et des regards des personnages…

Tout cela nous bouleverse, nous envoûte et nous permet d’entrer, sans réserve, dans l’intimité de l’histoire de M. Chow et Mme Chan et d’éprouver, avec eux, l’évolution de leurs sentiments et leur désir naissant.

Rythmé par une bande originale inoubliable

Lorsqu’on entend le thème musical principal pour la première fois (Yumeji’s theme de Shigeru Umebayashi), c’est au début du film. M. Chow et Mme Chan se frôlent pour la première fois, lors d’une soirée chez leurs logeurs. Ils sont avec leurs conjoints qu’on aperçoit et ne se connaissent pas encore. Cette mélodie qui revient plusieurs fois dans le film, incarne complètement leurs sentiments avec douceur et mélancolie.

L’ensemble de la bande originale de Michael Galasso accompagne superbement le film.

On retiendra forcément la valse lancinante de ce thème principal mais aussi les 3 chansons de Nat King Cole (Aquellos Ojos VerdesTe Quiero Dijiste et surtout Quizas, Quizas, Quizas), choisies par Wong Kar Waï, car écoutées par sa famille dans le Hong Kong cosmopolite de son enfance et les très belles variations du Angkor Vat Theme, notamment celle de la fin du film qui accompagne les images du temple d’Angkor où se rend M. Chow.

Bref, un film devenu culte qu’il faut voir ou revoir

Michèle Halberstadt animatrice de l’émission « Les films qui ont changé nos regards* » demandait à Isabelle Huppert dans quel film elle aimerait vivre. Elle répondit, sans hésiter, « dans  In the mood for love , pour la musique, les robes, la douceur…».

Profitons de la séance proposée par les 400 coups pour aller faire ou re-faire un petit tour dans le film de Wong Kar Waï, y admirer, sans modération, les fameuses robes corsetées de Mme Chan, flotter légèrement dans les volutes de cigarettes de Tony Leung, appréhender la vie du Hong-Kong des années 60, mesurer la pression sociale qui pèse sur les personnages et se laisser bercer par les mélodies de sa BO.

* France Culture, 9 août 2021, «La culture change le monde – Les films qui ont changé nos regards (épisode 6 – La leçon de piano de Jane Campion »

Michèle BAUD

Ce film sera présenté au cinéma Les 400 Coups le jeudi 23 septembre, à 20h00, avec un jeu quizz, animé par Laura.