Habib la grande aventure.

De BENOIT MARIAGE (Belgique – France – Suisse) – 2023 / 1h28
avec: Bastien Ughetto, Catherine Deneuve, Thomas Solivérès

SYNOPSIS: Habib est un jeune acteur qui rêve de théâtre et de cinéma, mais qui n’enchaîne que des rôles sans envergure. Sa famille a bien du mal à comprendre cette passion qui ne lui rapporte pas un rond. Jusqu’au jour où il décroche un petit rôle de gigolo aux côtés de Catherine Deneuve. C’est le début de la grande aventure, mais aussi le début des problèmes…

Habib, la grande aventure a été sélectionné aux Rencontres 2022 en novembre dernier. Voici, pour rappel, le texte de présentation de la plaquette des Rencontres:

Habib (Bastien Ughetto) est un jeune acteur bruxellois issu de l’immigration marocaine. Il est tiraillé entre ses convictions de comédien de théâtre où il endosse le rôle de St François d’Assise, et la nécessité matérielle de jouer les rôles pour lesquels on lui demande d’être «l’arabe de service» même s’il s’agit d’une scène dans un grand film avec «La» Deneuve ! Il est écartelé aussi par les aspirations, les demandes contradictoires des différents milieux dans lesquels il évolue (sa famille, les autres acteurs, et même la ville de Molenbeek…) qui mettent en lui tous leurs espoirs pour réhabiliter leur image après les attentats de 2016.
Il ne s’agit pas d’une comédie sur les communautarismes : aux yeux d’Habib, « Le » St François apparaît comme une valeur très contemporaine (notamment sur le sujet de la décroissance) mais
parviendra-t-il à préserver son intégrité ?
Lorsqu’il est sorti en Belgique, Benoît Mariage a appelé son film : « Saint Habib, un conte berbère du 21e siècle » : un titre qui le résume parfaitement !

Critique : Habib la grande aventure par Aurore Engelen (cineeuropa.org)

Benoît Mariage livre une chronique mouvante des tiraillements d’un jeune acteur, pris en étau entre ses origines et la destinée qu’il s’est rêvée.

Benoît Mariage présente en Compétition au Festival du Film Francophone d’Angoulême Habib la grande aventure , son cinquième long métrage, portrait fugace d’un jeune comédien navigant à vue entre les injonctions de son métier et celles de sa communauté.

Au commencement, Habib était un doux rêveur. On le rencontre au réveil, encore un peu plongé dans le sommeil. Il apostrophe deux pigeons qui roucoulent à sa fenêtre. Comme son modèle, il aspire à parler aux animaux. Il vante l’humilité des oiseaux, leur sens de la contemplation. Habib est dans le rôle, et peut-être un peu plus encore. Il s’apprête à endosser le costume de François d’Assise pour une pièce au Théâtre National. Un costume de Saint donc, ce qui n’est pas sans poser quelques questions quant à son engagement. Comment annoncer à sa famille, certes pieuse, mais mue par une autre foi, qu’il va incarner ce héros ?

Entre les petits rôles d’Arabes de service qui parcourent sa brève filmographie, et ce rôle-titre ancré dans la religion catholique, difficile de faire passer son choix professionnel auprès de ses parents, représentants des traditions. Jusqu’au jour où au hasard d’un casting, il décroche une apparition un peu particulière : quelques minutes aux côtés du Cinéma lui-même, une étreinte avec Catherine Deneuve. De quoi peut-être réconcilier sa famille, voire sa communauté, avec son métier.

A travers ce portrait d’artiste singulier, c’est aussi le portrait d’une époque que Benoît Mariage dresse sans en avoir l’air, illustrant la quête identitaire d’un jeune homme perdu entre ses origines et ses aspirations, tenté par la puissance d’une foi qui n’est a priori pas la sienne, et qui se choisit un modèle ancestral, figure d’une décroissance ultra moderne, chantre d’un dénuement heureux.

Mais cette quête spirituelle est finalement avant tout une quête identitaire. Habib va apprendre, au fil de cette grande aventure, à s’autoriser à être soi-même. A force de louvoyer, se chercher des références, c’est un peu de lui qu’il a perdu en route, plus que de son père contre lequel il cherche à se construire.  » Tu es mon père, mais je ne suis plus ton fils « , proclame-t-il fièrement à son géniteur, à l’image de François d’Assise. Habib rompt des liens pour mieux en créer de nouveaux, dépasser la honte et s’inscrire à sa façon dans le monde.

Derrière cette quête personnelle, Benoît Mariage dévoile en passant l’envers du décor du cinéma, en offrant une vision malicieuse et absurde, portée par l’interprétation gentiment hallucinée de Bastien Ughetto dans le rôle d’Habib, par une flopée de seconds rôles savoureux, et bien sûr, par l’iconique Catherine Deneuve.