Avec amour et acharnement

Claire Denis, dans son dernier film « Avec amour et acharnement », inspiré du roman de Christine Angot « Un tournant de la    vie », prend le risque de mettre en scène les déchirements d’un trio amoureux.

Sarah, interprétée par Juliette Binoche avec la sensibilité qu’on lui connaît, se croyait à l’abri dans un amour stable et profond avec Jean (Vincent Lindon). Et voici que la réapparition d’un ancien amant, François, interprété par Grégoire Colin, fait ressurgir un passé de désir et de violence.

Si Claire Denis, récompensée par l’Ours d’argent de la meilleure réalisation à la dernière Berlinale, sait donner au sujet force et originalité, c’est qu’elle dirige brillamment deux grands acteurs, Binoche et Lindon à fleur de peau  et qu’elle ancre le drame amoureux dans la vie contemporaine, Covid, Liban, racisme, difficultés de l’adolescent Marcus (Issa Perica), de sa grand-mère (touchante Bulle Ogier). Et qu’elle filme avec lenteur et attention les êtres (souvent de trois quarts arrière) et les paysages, la mer comme paradis bientôt perdu de la première séquence, Paris à hauteur de toits ou en plongée sur l’humanité passante ou en reflets dans les vitrages d’un balcon, lieu du retrait de ceux qui doutent et souffrent.

En cela Claire Denis reste fidèle à la prédominance de l’image qu’elle apprécie tant chez Wim Wenders ou Jim Jarmusch  et à un usage des dialogues d‘autant plus forts qu’ils se disent dans le souffle et l’ellipse. Ces choix esthétiques, soulignés par la musique de Tindersticks, mettent en lumière l’intranquillité d’une femme consciente qu’elle doit revendiquer sa liberté face au désir des hommes et se situer entre deux modes d’aimer, passion ou amour choisi.

Ce film au titre étrange « Avec amour et acharnement » ne nous laisse pas indemnes.

Evelyne Rogniat

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