28 février – 7 mars 2023
Le festival a retrouvé une certaine affluence avec ses cinéphiles curieux.
Vesoul, embarquement dans un fauteuil pour l’Asie dans ses divers pays et ses diverses cultures. Un voyage immobile qui permet des approches et des découvertes de cultures à partir de territoires auxquels le Cinéma permet d’accéder.
Pour moi, la vraie découverte et coup de cœur a été Eric Khoo, réalisateur coréen. My Magic (2008) a été introduit, dans le cadre des 70 ans de Positif, par un groupe de critiques de la revue. Un magicien extraordinaire, alcoolique, humilié, sacrifie son art et son corps pour gagner l’argent nécessaire à l’éducation de son fils. Une veine néo-réaliste mais où le sordide, la violence, sont transcendés par le rêve et l’amour.
Pour moi, spectatrice, l’émotion fait d’une réalisation un grand film. Avec Mee Pol man (inédit), son premier film, Eric Khoo nous emmène dans la même Singapour des bas-fonds (prostituées, drogue, violence) bien éloignée des clichés de la ville/business. Deux existences sans issue, Bunny, la prostituée, rêve de trouver l’homme qui lui permettra de partir ailleurs, l’humble vendeur de nouilles l’admire de loin et veut la protéger. Le hasard les réunira pour un destin qui les broie. Un scénario bien maîtrisé, de l’émotion, Un film qui aurait mérité une sortie en salle.
La section « Les cinémas de diasporas asiatiques » a suscité ma curiosité ; quels films peuvent réaliser des cinéastes éloignés, de gré ou de force, de leur pays et donc de leur communauté culturelle ?
Dans les 4 films que j’ai préférés dans cette section, j’ai trouvé, sous-jacent, le thème de l’identité.
– Tramontane de Vatche Boulghourjian (Liban 2016) Un jeune musicien et chanteur aveugle découvre que sa carte d’identité est un faux. Commence la recherche de son origine. Orphelin, il a été adopté pendant la guerre civile. Sa mère adoptive, ses proches, tous lui mentent et lui donnent des informations contradictoires, refusant d’avouer un passé qui, au Liban, ne passe pas. Il ne restera plus à Rabih que d’accepter douloureusement de vivre sous une identité attribuée. Un scénario bien maîtrisé, beaucoup d’émotion dans un road-movie à suspens. Un personnage principal attachant, isolé dans sa quête dans une société fragile où le présent repose sur des non-dits.
– Avec Slam Partho Sen Gupta, cinéaste d’origine indienne vivant en Australie, s’intéresse à la communauté arabe. Rickie, d’origine palestinienne, est parfaitement intégré, marié et père heureux avec son épouse australienne. Sa sœur, poétesse et slameuse virulente contre les sociétés post-colonialistes, disparaît. Elle est suspectée d’avoir rejoint Daesh. Rickie, qui avait délaissé sa famille, se retrouve à rejoindre une communauté arabe suspectée, par les milieux politiques et médiatiques, d’être des complices des terroristes, Dans un climat délétère, pour retrouver sa place dans sa famille australienne, Rickie doit déclarer à la TV qu’il est un Australien de cœur. En Australie, les « suprématistes blancs » ne sont jamais loin pour la chasse et l’assassinat des étrangers.
A NOTER que ce film sera projeté au cinéma Les 400 Coups lundi 3 avril à 20 heures dans le cadre du festival “Palestine en vue”
– Le Traducteur (de Rana Kazkuz et Anas Khalaf) est le retour clandestin de Sami, exilé en Australie. Désir du protagoniste de retrouver son frère « disparu » et sa famille qui vit sous la férule du gouvernement syrien. Nécessité de solidarité dans la résistance. Le passeport, signe d’une identité, est remis à quelqu’un pour être falsifié et permettre d’échapper à l’enfermement syrien. Là encore, une identité liée à une communauté.
– Noor un docu fiction de Cagula Encirci, est le nom d’une fille, au Pakistan, qui veut être un homme et vivre l’amour avec une femme. Un excellent acteur, dans une thématique qui se situe entre réalisme et réalité.
Dans la compétition, Froid comme le marbre de l’azerbaidjanais Asif Rustamov, a bien mérité les divers prix. Affrontement père/fils dans un pays où les normes changent.
A l’année prochaine!
Odile Orsini