LES MEUTES.

De Kamal Lazraq ( 1h 34min / Thriller)

Avec Ayoub Elaid, Abdellatif Masstouri, Mohamed Hmimsa

SYNOPSIS. Dans les faubourgs populaires de Casablanca, Hassan et Issam, père et fils, vivent au jour le jour, enchaînant les petits trafics pour la pègre locale. Un soir, ils sont chargés de kidnapper un homme. Commence alors une longue nuit à travers les bas-fonds de la ville…

 

 

 

Film rude, à l’ ambiance noire et nocturne en permanence, où l’on suit un père et son fils errer dans les bas fonds de Casablanca pour trouver un endroit où se débarrasser d’un cadavre.

C’est glauque à souhait, mais je me suis laissé emporter par ce trip, le scénario ne manquant pas de rebondissements inattendus.
Les plans, souvent serrés de la caméra, en mode parfois saccadés servent bien la tension dramatique et je me suis senti tenu en haleine.
Jacques Gaillard

«Les Meutes» de Kamal Lazraq: quand un premier film donne un chef d’œuvre

Ça commence et ça finit avec « Les Meutes » à Casablanca. Entre les deux, l’histoire de ce film primé au Festival de Cannes est vite racontée : Issam et son père Hassan se retrouvent, malgré eux, avec un cadavre à faire disparaître. Cette anecdote incongrue accouche d’un polar aussi noir que drôle et tragique. Avec son premier long métrage, qui sort ce mercredi 19 juillet sur les écrans, le réalisateur marocain Kamal Lazraq a réussi un chef d’œuvre, avec des images aussi fortes qu’une nuit de pleine lune.

Kamal Lazraq et son film, tous les deux nés à Casablanca

Les Meutes, c’est l’aventure humaine de deux fauchés, père et fils, captée avec une obsession certaine pour la magie surréaliste de la lumière nocturne naturelle : « Avec le chef opérateur, Amine Berrada, nous nous sommes dit que les acteurs sont au centre du dispositif, nous n’allons pas recréer un éclairage artificiel, mais que nous allons vraiment nous baser sur l’éclairage naturel de la ville, explique le réalisateur Kamal Lazraq. Les visages des comédiens sont très cinégéniques. Du coup, parfois, il fallait juste les déplacer au bon endroit pour avoir une image très cinématographique. »

Le film, tourné avec des acteurs non professionnels qui crèvent l’écran, séduit aussi par son sens inouï, capable de cadrer l’essentiel des actions et le surnaturel des esprits et des paysages. Kamal Lazraq est lui-même né à Casablanca, il y a 39 ans, et, depuis qu’il a réussi sa formation à la Fémis à Paris, il rêvait d’y faire un film. Après un court métrage en 2014, L’Homme au chien, l’accomplissement époustouflant de son premier long métrage représente beaucoup plus que la réalisation d’un fantasme cinématographique : « Casablanca, la nuit, il y a un potentiel infini d’histoires, de thèmes, de genres : le burlesque, le tragique, l’humanité, la violence… »

L’universel, le Maroc, et le masculin

Beaucoup d’aspects du film touchent à l’universel : la relation entre père et fils (magnifiquement incarnés par Ayoub Elaïd et Abdellatif Masstouri), la lutte entre le Bien et le Mal, le combat contre la mort, néanmoins, les maux spécifiques de la société marocaine apparaissent en filigrane, voire apparaissent lentement mais sûrement comme l’un des thèmes centraux du film, comme le poison des structures patriarcales. Pour le père, le fils, trop réfléchi, n’est pas un « vrai » homme. Pour le fils, le père, ancien taulard, a raté sa vie. Une seule personne assure véritablement, la grand-mère. Malgré toute la misère, elle s’accroche à sa croyance, transmet des valeurs et sait s’adapter aux aléas et aux épreuves de la vie.

« La masculinité est très présente dans le film. La plupart du temps, les acteurs parlent de ça : être un homme, la virilité comme une qualité forcément positive. Il y avait l’idée de montrer comment cet excès de masculinité pouvait tendre parfois vers une animalité, d’où la métaphore avec le combat de chiens et cette bestialité qui peut ressurgir de façon assez forte pendant le film. »

L’expérience physique des « Meutes »

Très vite, les meutes véritables du film ne sont pas les meutes de chiens de combat, mais les meutes humaines, les gangs de quartiers qui se font la guerre au milieu de la misère. Et le réalisateur confronte les spectateurs avec un parcours éprouvant touchant tous les cinq sens de notre perception : il y a l’odeur du cadavre, le contact physique entre les hommes et le chiens, les restes de viande préparées par la grand-mère, les sons sans repères visibles et les images parfois simplement fantasmées… « Ce que je ne voulais pas faire, c’était un film psychologique ou trop psychologique. J’avais envie qu’on ait une expérience physique. Quelque chose d’organique, de charnel. Tout le travail qui a été fait a été fait de façon très instinctive, très brute. Ce qui fait que nous avons ce rapport très charnel avec cette histoire. »

Au Festival de Cannes, Les Meutes a créé la surprise et remporté le prix du Jury à la prestigieuse section Un certain regard. Il ne serait pas étonnant que les spectateurs aient envie de lui décerner le prix du public.