Echos de festival: 28ème Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul

Aller à Vesoul, c’est la certitude de voyager, de rencontrer d’autres cultures…

En cette période de pandémie, c’est une chance incroyable de découvrir des nations asiatiques peu connues dans nos salles ; voyage dans 26 pays.

Que de rencontres de cinémas donc de cultures en cheminant sur les routes de la soie (nom d’une section de la programmation) ; Afghanistan, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, et bien sûr l’Iran!

Dans la compétition, le très beau film ouzbek 2000 songs of Faroda de Yoliin Tuychiev, nous montre, dans des images superbes, la vie tranquille, au début du 20è siècle, d’un homme entouré de ses 3 épouses. Son souci, assurer sa descendance d’où l’arrivée d’une 4è jeune épouse. Loin de tout, le vieux Kamil veut continuer à ignorer que l’Histoire va  bouleverser sa vie et celle de ses épouses. De beaux portraits de femmes.

Ce festival, c’est l’Orient depuis Israël, la Palestine, jusqu’aux Philippines, en passant par le Cambodge, la Birmanie, l’Inde, le Bangladesh et, bien sûr, la Chine et le Japon dans cette programmation riche de 84 films dont 41 inédits.

Avec la section “L’histoire en toile de fond”, ce sont des films qui permettent de comprendre la réalité de ces pays.

  • L’orphelinat (2019) de Shahrbanoo Sadat (Afghanistan). Des enfants des rues sont accueillis, éduqués pendant la période soviétique. Surprenante, l’introduction de rythmes de Bollywood qui permet à un garçon de transfigurer l’adversité.

  • Entre deux rives de Kim Ki Duk (sorti en 2017) montre avec lucidité deux mondes (Corée du Nord et Corée du Sud) en mal de compréhension.

  • Dans Taklub de Brillante Ma Mendoza (2015), La population du bord de mer essaie de se remettre debout, de retrouver des traces des disparus, d’obtenir des indemnités après le terrible typhon Haiyan. La caméra nous fait pénétrer au cœur de cette communauté où la solidarité permet de continuer à vivre. La résilience d’un peuple confronté à tant de malheurs.

Deux films en compétition ont obtenu, ex-aequo, le Prix du Public que je partage entièrement.

  1. No land’s man du bangladais Mostofa Samwar Farooki.

Un homme disparaît assassiné par des extrémistes australiens. C’est un migrant arrivé à New York, très sociable, mais qui ne dit rien de sa véritable identité. Il s’est fabriqué un passé même auprès de celle qu’il aime. Un scénario qui captive le spectateur et révèle la complexité de la situation de migrant. Le spectateur doit essayer de reconstituer cet individu qui veut vivre et être heureux mais ne peut échapper au destin d’être partout un étranger.

Un film bouleversant et qui donne à réfléchir sur la vie des migrants. Présenté comme une première française.

  1. De l’Iran No choice de Reza Dormishian.

Un film poignant autour d’une jeune fille SDF qui veut être enceinte pour pouvoir vendre l’enfant. Une gynécologue qui refuse d’avouer sa participation à un programme d’Etat. Où est la vérité ? Une jeune avocate s’engage courageusement dans ce tissu de mensonges. Trois beaux portraits de femmes, chacune dans sa vérité, dans un monde de violence. Une mise en scène qui engendre des émotions autour de trois destins.

Sélectionné au festival de Tokyo et qui pourrait sortir en France.

En avant-première,

  • La famille Asada de Nakano Ryota.

Un film japonais drôle autour de l’amour de la photo du jeune Masashi. Personnage déjanté mais qui prend conscience de la valeur de la photo comme trace de la vie passée pour ceux qui ont eu des proches disparus dans la tragédie de Fukushima. Sortie en France le 13 juillet 2022

L’hommage à Koji Fukada a permis de revoir

  • Hospitalité (2010) et Harmonium (2015) et de découvrir

  • Au revoir l’été (2013).

Deux jeunes femmes en vacances au bord de la mer. Pour Sakuko, l’occasion de s’ouvrir aux autres et de découvrir les mensonges dans les rapports des adultes. Fukada dit admirer Rohmer et on y retrouve l’ambiguïté des dialogues.

De ce cinéaste sortiront 2 films étranges tout autant que leur titre, sur les rapports d’un jeune homme japonais avec trois femmes :

. Suis-moi, je te fuis, sortie le 11 mai

. Fuis-moi, je te suis, sortie le 18 mai

Tout un programme dans un pays marqué par le machisme.

5ème section – Hommage à Xie Fei

Né en 1942, ce cinéaste de la 4è génération (celle qui a subi la révolution culturelle et a pu tourner dès 1980). Son cinéma méditatif est un regard sur les destins de femmes. La jeune fille XiaoXiao est une évocation de la situation des filles mariées très jeunes à des maris encore enfants. Évocation de la vie rurale où le destin des femmes est soumis aux lois inflexibles du clan.

En 1996, l’Ours d’or récompense Les femmes du lac aux âmes parfuméesDans un paysage enchanteur où Madame Xiang vient reprendre le moral. Vie difficile de cette travailleuse acharnée dans sa huilerie de sésame entre un mari alcoolique et un fils handicapé mental.

Xie Fei s’inspire de textes littéraires avec des thèmes ruraux qu’il traite avec beaucoup de justesse car comme beaucoup de jeunes, il a été exilé en campagne pendant la Révolution culturelle. Un cinéaste que nous avons découvert et dont j’aurais aimé visionner plus de films.

Le festival, à fréquentation certes moindre, a été apprécié par le public, heureux de retrouver les routes de l’Asie pour sortir des limites de l’Hexagone.

Prochain festival, du 28 février au 7 mars 2023.

Odile Orsini